Censure partielle de la loi Duplomb : une victoire en trompe l'oeil

À l'image de mon ami Jérémy Bizet, je ne vois pas de raisons de s'enorgueillir en grandes pompes de la censure partielle de la loi Duplomb par le Conseil Constitutionnel.
Cette censure partielle reste une victoire pour le respect de la Constitution, et avec elle de la Charte de l'Environnement poussée notamment par un certain Michel Barnier. Mais en faire une nouvelle incroyable alors que les dispositions sur l'élevage et sur l'artificialisation simplifiée des aires protégées restent d'actualité... est particulier. Contradictoire quand on porte l'écologie comme conviction.
Du propos de Jérémy, je retiens et maintiens que chaque substance s'utilise avec des dosages propres, chacune ayant un seuil de risque, et, ensuite, un seuil de dangerosité. Le danger, puisqu'il en est question, ne viendra pas des petits producteurs, assommés par un travail à perte et par la nécessité d'utiliser le moins possible de consommations intermédiaires. Il viendra des installations intensives, pour lesquelles le critère de la masse maximale à coût minimal fait office de religion. Les grands céréaliers en font partie, par exemple. Pour ces raisons, si l'on peut comprendre le calvaire de l'absence d'alternative pour les petits producteurs, une réintroduction de l'acétamipride ne pourra être jugée acceptable par l'opinion qu'à la condition de fixer un quota maximum, impérativement inférieur au seuil de danger, et si possible, au seuil de risque. Sinon, ce ne sera qu'une mesure idéologue portée par des mainates bornés.
Hugo Clément parle d'une « énorme nouvelle », mais ce jugement me semble précipité. En réalité, le Conseil constitutionnel n'a censuré qu'un article technique sur l'acétamipride, pour des raisons de forme (encadrement juridique insuffisant), non sur le fond. Une nouvelle loi mieux rédigée pourrait tout à fait réintroduire cette substance. Pendant ce temps, rien ne protège nos agriculteurs d'une concurrence internationale où ce pesticide est utilisé sans scrupule. Où est la victoire ?
Même constat pour les mégabassines : elles ne sont pas censurées, seulement encadrées. Et le relèvement des seuils d'élevage intensif est, lui, validé. Si l'on regarde les faits, les deux articles les plus critiquables à mon sens sont passés, et seul un article a été censuré — pour des raisons plus juridiques que sanitaires.
Sortir des néonicotinoïdes est un objectif louable. Mais cela doit se faire de manière rationnelle, progressive, et avec une vraie protection de notre agriculture. Or ici, on sacrifie nos producteurs, tout en continuant à importer des produits issus de méthodes que nous interdisons chez nous. L'hypocrisie est totale. Et la gauche est contente !
Mais pour sortir du pur slogan militant, il faut revenir à des faits scientifiques simples. Le Dr Jérôme Barrière, oncologue, résume bien la distinction entre toxicité et risque :
https://x.com/barriere_dr/status/1953162620426412123
« En toxicologie, il faut bien distinguer deux choses : le danger, c'est ce qu'une substance peut faire si on y est exposé, et le risque, c'est la probabilité qu'elle nous fasse du mal, en fonction de la dose et de la fréquence d'exposition. »Prenons un exemple simple : l'arsenic.
C'est un poison bien connu : donc un danger, oui, clairement.
Mais si vous mangez du riz (qui peut contenir des traces naturelles d'arsenic), vous n'allez pas tomber malade pour autant.
Pourquoi ?
Parce que les doses sont faibles et les expositions limitées : le risque, lui, est faible voire nul.
C'est comme dire : « Une voiture peut tuer si elle fonce à 130 km/h dans une foule. Mais garée dans un parking, elle reste une voiture : le danger existe, mais le risque est nul. »
Il en va de même pour l'acétamipride (et bien d'autres produits du quotidien). Le produit est dangereux, mais bien utilisé, il est sans risque.
Il est aujourd'hui plus facile d'être exposé à l'acétamipride via un spray anti-moustique ou un collier antipuce (à des concentrations de 0,1 à 5 %, en exposition directe), que via une betterave sucrière traitée avec ce produit dans un cadre strictement réglementé (< 0,01 % de résidus alimentaires, en exposition indirecte).Ce qui est présenté ici comme une victoire écologique me semble, au contraire, une défaite politique et agricole.
On n'a rien résolu, on a fragilisé nos producteurs, et on se félicite d'une illusion.