Eh bien ça, c'est du renouveau !

05/10/2025

À peine nommé, le gouvernement suscite l'étonnement en plusieurs points et semble aux parfaits antipodes de la volonté de "rupture" exprimée par le Premier ministre Sébastien Lecornu.

Reprenons les ministres nommés un par un :

  • Elisabeth Borne, ministre sortante au même portefeuille, ancienne première ministre de M. Macron, ancienne ministre sous l'ensemble des gouvernements du premier quinquennat Macron, Renaissance
  • Bruno Retailleau, qui bien que disposant d'un bon bilan de ministre de l'intérieur n'échappe pas au fait d'être sortant au même poste, LR
  • Gérald Darmanin, ministre sortant au même poste, ancien ministre de l'intérieur, ancien ministre du budget, Renaissance, ex LR
  • Roland Lescure, ancien ministre de l'Industrie, principal contributeur financier de la campagne d'Emmanuel Macron en 2017, Renaissance, ex-PS. On rappellera qu'il avait déclaré au Figaro en 2021 être favorable à ce que la France cède son siège au conseil de sécurité de l'ONU. Cette seule chose pourrait suffire à me rendre favorable à la censure du gouvernement. 
  • Catherine Vautrin, ministre sortante au même portefeuille auquel s'ajoute la famille, ancienne ministre de la cohésion sociale sous Dominique de Villepin, ancienne secrétaire d'Etat sous Jean-Pierre Raffarin, Renaissance, ex LR.
  • Manuel Valls, ministre sortant au même portefeuille, ancien premier ministre sous François Hollande, ancien ministre de l'intérieur, Renaissance, ex PS.
  • Eric Woerth, ancien ministre du budget sous François Fillon, ancien secrétaire d'Etat sous Dominique de Villepin, Renaissance, ex LR.
  • Bruno Le Maire, ancien ministre de l'économie sous les gouvernements du premier et du deuxième quinquennat Macron, ancien ministre de l'agriculture sous François Fillon, ancien secrétaire d'Etat sous Fillon, ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin, Renaissance, ex LR.
  • Jean-Noël Barrot, ministre sortant au même portefeuille, ancien ministre délégué à l'Europe sous Gabriel Attal, ancien ministre délégué au numérique sous Elisabeth Borne, MoDem
  • Naïma Moutchou, ancienne vice-présidente de l'Assemblée nationale, Horizons. Il s'agit de la seule membre du gouvernement nommée ce soir à ne jamais avoir été ministre et à n'avoir eu aucun engagement politique avant 2017. 
  • Agnès Pannier-Runacher, ministre sortante au même poste, ancienne ministre déléguée sous Gabriel Attal, ancienne ministre de l'énergie sous Elisabeth Borne, ancienne ministre de l'Industrie sous Jean Castex, ancienne secrétaire d'Etat sous Édouard Philippe, Renaissance, ex PS.
  • Rachida Dati, ministre sortante au même portefeuille, ancienne garde des sceaux sous François Fillon, LR
  • Annie Genevard, ministre sortante au même portefeuille, LR
  • Marina Ferrari, ancienne ministre du tourisme sous Michel Barnier, ancienne secrétaire d'Etat sous Gabriel Attal, MoDem
  • Amélie de Montchalin, ministre sortante au même portefeuille, ancienne ministre de la transition écologique sous Elisabeth Borne, ancienne ministre de la transformation publique sous Jean Castex, ancienne secrétaire d'Etat sous Édouard Philippe, Renaissance, ex LR
  • Philippe Tabarot, ministre sortant au même portefeuille, LR
  • Aurore Bergé, ministre sortante au même portefeuille (y compris sous Gabriel Attal), ancienne ministre des solidarités sous Elisabeth Borne, Renaissance, ex LR
  • Mathieu Lefevre, seul néo-ministre avec Naïma Moutchou, mais lui disposant d'une expérience politique avant 2017 comme collaborateur d'un député LR

D'aucuns pourront affirmer qu'en une période aussi troublée, l'expérience est une qualité plus estimable que les autres. Ils auront raison. Mais face à la lassitude des Francais à l'égard de leurs dirigeants, se traduisant dans une popularité plancher pour Sébastien Lecornu avant même qu'il n'ait pu agir, la rupture promise aurait dû se traduire en actes. Force est de constater que ce n'est pas le cas. S'agit-il d'une promesse reniée par un premier ministre naissant, ou d'une incapacité manifeste et répétée d'un président de la République à assumer un paradigme politique plus large, et, surtout, différent du sien ? Les esprits se tournent souvent vers la deuxième option...

Maintenant arrive l'étape du discours de politique générale, qui sera inévitablement suivi par l'examen d'au moins une motion de censure (LFI). Seules deux forces politiques pourraient, éventuellement, être enclines à négocier une non-censure : le PS et le RN. Mais ces hypothèses semblent s'éloigner :

  • le gouvernement est composé de 15 Renaissance, LR et ex LR et de seulement 3 ex PS (deux macronistes et Manuel Valls). Comment le PS pourrait-il accorder sa confiance à un tel exécutif ? La seule possibilité de sauver le gouvernement réside dans le fait qu'une censure, suivie du risque d'une dissolution, ne fait absolument pas les affaires du parti à la rose.
  • le RN fait clairement comprendre qu'en l'absence de rupture, ce que ce gouvernement semble confirmer, ils censureront l'exécutif.

On en arrive au point ou le chef du gouvernement le plus à droite sous Emmanuel Macron doit compter sur la non-censure d'un parti de gauche pour survivre ! Comment rendre à la politique le crédit dont elle a besoin pour agir ?