Les diplômes ne valent plus rien ?

Le patron de l'ESSEC, Vincenzo Vinzi, alerte sur les conséquences de l'évolution du monde sur la perception du dipôme.
À mes yeux, il n'est pas question d'un changement du rôle du diplôme. Mais d'une conformation au rôle qu'il a déjà dans certaines professions.
Dans de nombreuses professions techniques, sensorielles ou manuelles, le diplôme n'a pratiquement aucune valeur. Il indique que des compétences ont été apprises à l'instant t. Rien de plus. Les employeurs se fient donc davantage au CV et à la rubrique "expérience" qu'il est censé contenir. C'est le cas dans le métier d'ingénieur du son que j'exerce. La seule fois où j'ai été amené à montrer mon diplôme, c'était pour enseigner la musique au collège. Sinon, à l'exception de quelques chasseurs de tête qui ne connaissent pas la profession, aucun recruteur direct ne m'a demandé de justifier ma formation, tous s'intéressant davantage à ce que j'ai concrètement accompli.
Et ça se comprend !
Lorsque le baccalauréat ne trie plus rien à force de perdre en valeur, lorsque la sélection à l'université est vue comme un obscurantisme alors qu'elle permet justement de montrer à qui leur formation correspond et à qui elle peut aussi ne pas correspondre, l'échec scolaire se transforme en échec professionnel. La priorité du retour au plein emploi passe donc par la lutte contre l'échec professionnel, ce qui implique la valorisation de filières regardées avec dédain comme inférieures : les filières technologiques et professionnelles, mais aussi les formations en alternance.
Pourtant, ce sentiment d'infériorité n'est qu'une idée reçue. Dans de nombreux domaines d'activité, les employeurs préfèrent justement des personnes ayant eu un diplôme professionnel et ayant été plus tôt - voire pendant les années lycée - au contact de leur milieu professionnel. Un ressenti qui se retourne même parfois contre ceux qui sortent des grandes écoles, vus comme des personnes habituées aux habitudes de travail parfaites en toutes circonstances, et susceptibles de manquer cruellement d'une qualité de plus en plus recherchée : l'adaptation.
J'ai fait une grande école et ça m'a beaucoup plu : la Formation Supérieure aux Métiers du Son (FSMS), au Conservatoire supérieur de Paris. Une formation qui a une excellente réputation dans les domaines qui la connaissent. Mais c'est là aussi que le réel frappe à la porte : dans l'ensemble des entreprises pour lesquelles j'ai pu travailler, aucune ne connaissait déjà la FSMS ! Le risque était alors élevé que je sois perçu comme un "mec qui a passé toute sa vie dans un bureau sans se soucier de ce qui l'entoure"...
C'est mon expérience variée, au point d'être chaotique, qui m'a sauvée. Ayant exercé dans des contextes extrêmement différents les uns des autres, j'ai appris à travailler dans des équipes tout autant diversifiées aux exigences variables vis-à-vis de mon poste. Ai-je été vu comme un mec qui a galéré à trouver une voie et qui sait tout et rien faire ? Non, pourtant ce point de vue se défendait. J'ai été vu comme un mec qui a sans cesse cherché à rebondir, qui a sans cesse cherché à rester actif.
Le conseil que je peux donner sur la base de mon retour d'expérience est donc le suivant : n'attendez pas de trouver exactement ce que vous voulez pour vous mettre à travailler. Cherchez systématiquement à travailler, y compris dans des secteurs parallèles, ou décalés. Le recruteur verra en vous quelqu'un qui a toujours cherché à se défendre en toutes circonstances, quelqu'un qui n'a pas attendu que le contrat parfait vienne le trouver dans son lit.